dimanche 3 octobre 2010

Entre-deux

Je n’éprouve pas encore les affres de l’exil. (Car déménager dans un autre pays, seul, pour deux ans, c’est bien une forme d’exil, fût-il volontaire.) Je pensais que l’éloignement et l’isolement social qui l’accompagne seraient pénibles. Mais mis à part le fait que j’ai une vie sociale dans la journée à l’université (ce qui est déjà pas mal), à bien y penser, ma nouvelle vie n’est pas très différente de ma vie de thésard. La plupart de mes interactions sociales étaient déjà « médiatisées » : par le téléphone, le courriel, la messagerie instantanée ou encore Facebook, que ce soit avec ma famille en France, des amis dispersés de par le monde, et même ceux de Montréal voire de mon quartier! Des mois pouvaient ainsi se passer sans que je revoie certains d’entre eux en face à face. Donc pas de changement majeur perceptible de ce côté.

Et puis il y a la radio. Ces dernières années, la radio parlée de Radio-Canada était devenue ma bande-son, sept jours sur sept. Les Christiane Charette, Pierre Maisonneuve, Yanick Villedieu, Jacques Languirand, Jacques Bertrand (Ah! regrettée Macadam Tribus), Le Bigot et compagnie... se relayaient pour me tenir compagnie justement. Or, un petit tour de passe-passe technologique associant iPod, connexion Wi-Fi, station d’accueil ainsi qu’une petite application gratuite me permet d’écouter la radio par Internet exactement comme si c’était une banale radio FM -- car je déteste écouter la radio sur un ordinateur!

Si on ajoute à cela la lecture quotidienne de Cyberpresse sur mon iPod, on peut dire que j’ai reconstitué à Chicago mon univers informationnel, social et linguistique montréalais. Plus encore, c’est tout mon petit monde que j’ai transporté avec moi, si l’on inclut également la bouilloire, le thé, et jusqu’à certains aliments que je suis parvenu à retrouver ici me permettant de déguster tous les matins la réplique exacte de mon petit déjeûner québécois. Bien sûr tout cela n’est possible que dans la mesure où Montréal et Chicago sont deux villes, sinon tout à fait voisines, du moins très proches puisqu’elles appartiennent au même ensemble géographique, économique et culturel. Cela aurait été plus difficile si j’avais déménagé à Rio, Dakar, ou New Delhi. Quoique. Avec Ikéa, la génération mobile n’a plus besoin de déménager ses meubles. Elle peut reproduire à peu de choses près son intérieur n’importe où sur le globe. Ça change un peu les termes de l’exil. Et mon trajet quotidien en autobus est plus qu’un déplacement local d’un point A à un point B de Chicago. C’est un sas entre deux mondes : celui que j’ai apporté avec moi et celui auquel je tarde encore à m’abandonner. Comme quand on a encore pied et qu’on hésite à nager. 

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