vendredi 15 octobre 2010

Urbana

Dur, dur, de s’atteler à son blog. Surtout quand le temps semble s’accélérer à 36 heures de mon envol vers le pays d’Ikéa. Je sais que ce n’est pas très sympa pour ceux qui me lisent, mais pour moi, bloguer tient plutôt de la corvée et du gaspillage de temps. Mon penchant perfectionniste est mis à mal, car je ne peux pas trop me permettre de peaufiner chaque billet sinon je vais laisser tomber. (Je dois vous avouer que je ne peux m’empêcher de retoucher les messages après coup... ce qui est assez contraire à l’esprit de la chose... que voulez-vous.)

Sept semaines ont passé depuis mon arrivée dans la Cité des vents. Jusqu’à présent ça va plutôt bien. Les cycles se mettent en place. Trois lavages. Trois séances d’entraînement au gym. Deux séances de piscine. Un passage chez le coiffeur. (Pour les mauvais esprits je précise que cela fait deux semaines seulement que je suis inscrit au centre sportif de mon université ;-) Ça revenait moins cher si j’attendais le 1er octobre et avant c'était loin dans la liste des priorités.)

Bref, une routine s’installe et c’est ce dont j’ai besoin pour me concentrer sur des choses plus « sérieuses ». À propos, avant-hier j’ai fait ma première journée de terrain, au service des Archives de l’Université de l’Illinois. Le mot « terrain » convient assez bien dans ce cas parce que le campus d’Urbana-Champaign (mais il paraît qu’on dit maintenant Champaign-Urbana...) est vraiment situé au milieu des champs de maïs. Urbana et Champaign sont deux villes jumelles situées 220 km de Chicago, dixit Google qui sait tout. C’était d’ailleurs ma première sortie hors de Chicago, et la première fois que je prenais un train Amtrak. On a mis plus de 2h30 pour parcourir la distance sur l’Interstate 57 qui relie Chicago à Memphis. Les trains ici sont plutôt confortables, assez lents (parfois ils doivent se ranger sur une voie de service pour laisser passer les trains de marchandises, prioritaires!) et vraiment, mais vraiment pas chers : 14 $ plein tarif pour un aller simple! Au retour, j’ai pris un « mégabus » parce que l’horaire me convenait mieux, et c’était encore moins cher (11 $). « Megabus », c’est le nom de la compagnie, et il dit bien ce qu’il veut dire : ces cars à deux étages sont énormes. Du pont supérieur, on peut toiser les conducteurs de trucks, ce qui n’est pas peu dire surtout aux États-Unis.

L’UIUC, ou si vous préférez l’Université de l’Illinois – les étudiants portent fièrement des sweat-shirts sur lesquels figure seulement le nom de l’État – est une vénérable institution qui fêtera dans quelques années son 150e anniversaire, ce qui n’est pas banal pour une université publique (state university), c’est-à-dire qu’elle remonte pratiquement à la Guerre de Sécession.  Ça se sent à l’architecture, aux boiseries patinées que l’on retrouve dans le pavillon des archives, qui avait cette odeur et cette lumière des vieilles institutions qu’on associe plus volontiers à l’Europe. Le campus est si vaste, tentaculaire, ses édifices omniprésents, que c’est comme si l’université était devenue ville, avait enfanté la ville. Ça ne ressemble ni aux enclaves verdoyantes et bourgeoises comme le campus de McGill, ni au campus urbain à la manière de l’UQAM, université dans la ville. À Urbana, toutes les routes partent de et traversent l’université. D’ailleurs, le transport public, largement subventionné par l’université, est gratuit pour les étudiants et les employés. Pour les autres, un seul petit dollar suffit pour prendre le bus. À condition d’être patient car ils passent quand ça leur chante! (Et me revoilà encore à vous parler de bus... je sens que le tag associé dans le petit nuage de mots à côté va enfler démesurément si ça continue.)

En tout cas, S. était satisfait du bilan de mon excursion à la campagne. Je ne suis pas revenu bredouille. Un partenariat avec un prof là-bas serait même en train de se dessiner. Je suis content, car je suis passé par une phase de doute assez pénible dans ma relation avec mon superviseur. Car après m’avoir accordé tant d’attention et d’attentions durant les premiers temps de mon installation, il s’était fait plus distant voire indifférent au point que j’ai fini par penser que je l’avais déçu, qu’il s’attendait à ce que je sois plus brillant que ça. Je m’étais quand même raisonné en me disant que je m’étais emballé un peu vite, que les Nord-Américains sont comme ça : très chaleureux dans leur accueil, mais aussitôt qu’ils vous sentent sur les rails, ils vous laissent vous débrouiller, leur mission accomplie. Et vous qui vous imaginiez déjà proches amis! En fait il était probablement simplement et réellement débordé, comme l’est toujours un prof passionné par son travail. Une autre raison explique aussi cette anxiété que j’ai éprouvée vis-à-vis de lui : auparavant, mes directeurs de recherches m’apportaient leur connaissances théoriques, et moi je leur apportais ma connaissance pratique du terrain. L’échange était asymétrique, mais équilibré. Mais avec S., c’est différent. Son expertise du domaine des technologies émergentes est intimidante. Si bien que j’ai tendance à penser que je ne peux rien lui apprendre. Ça peut être démotivant, ou du moins insécurisant. Mais il paraît que le doute, c’est le ferment de l’apprentissage alors voilà, je suis dans le doute, j’apprends. Et au fond c’est pour ça que je suis ici.
(modifié le 16/10/2010)

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