mercredi 29 septembre 2010

Transport en commun

Je suis dans le bus, en tête de ligne (ligne 8 ‘Halsted’ direction Sud). Le bus est à l’arrêt, le moteur tourne, la clim aussi (heureusement car la douceur est revenue et je suis habillé trop chaudement). Quelques clients sont déjà assis et attendent comme moi le retour du chauffeur et le départ du bus. Bien sûr j’ai présenté ma carte « RFID » au lecteur : 2$ sont débités à mon compte. Cela fait longtemps que je ne triche plus dans les transports en commun, et puis il y a toujours le risque de se faire contrôler. Le chauffeur, ou plutôt la chauffeure arrive, tenant à la main ce qui doit être un repas à emporter dans un emballage en polystyrène. La plupart des employés de la CTA auxquels j’ai affaire sont des femmes, african-american, un peu fortes (je ne tiens pas de statistiques, mais j’ai remarqué une très nette tendance à Chicago à ce que les emplois généralement considérés comme « subalternes » soient occupés par des personnes de race noire). Il faut du coffre (et du cran) pour faire ce job. L’autre jour, le bus n’a pas voulu redémarrer (vous ai-je dit que la flotte n’était pas toute jeune ?). La chauffeure a fait ce que vous et moi aurions fait : elle est sortie du bus, a pris son cellulaire et elle a appelé la dépanneuse. Les quelques passagers que nous étions demeurant assis sagement à nos places. Puis, quand le bus suivant est arrivé (ils sont espacés de 10 minutes en moyenne), elle nous a crié de nous dépêcher pour l’attraper. Quand un jeune homme a mis un peu trop de temps à accrocher son vélo au-dessus du pare-choc avant du bus (oui, c’est prévu pour), la chauffeure du 2e bus a pesté que la « ride » serait longue (c’était le début de l’heure de pointe) et qu’il aurait mieux fait de rester sur son vélo. Par la suite, il fallait la voir à chaque arrêt gueuler littéralement aux gens (sidérés) de ne pas monter dans le bus (déjà rempli) alors qu'un autre suivait de près...

Géré par la Chicago Transit Authority (CTA), le système de transport en commun fait les fierté des Chicagoans et à raison : c’est sans doute l’un des plus développés en Amérique du Nord. Il permet de vivre sans voiture à Chicago, ce qui est assez remarquable pour une mégapole américaine. Et de plus il n’est pas cher : 2$ par trajet si vous avez une « Chicago Card » (l’équivalent de la carte Opus pour les Montréalais), vingt-cinq cents de plus si vous achetez un ticket à l’unité. Et vous pouvez vous rendre en métro jusqu’à l’aéroport. Je dis le « métro », mais ici on l’appelle le « L », abbréviation de « elevated train ». Car en effet, sur l’essentiel du réseau c’est ce qu’on appellerait, en France, un métro aérien, circulant sur des voies surélevées qui enjambent littéralement les rues. Une vision saisissante, au centre-ville, est le surgissement d’un train entre deux gratte-ciel, comme s’il flottait dans le vide. Et cela arrive souvent si vous êtes à proximité de la « Loop », une ceinture de voies ferrées qui enserre le cœur du downtown et sur laquelle se rejoignent la plupart des lignes de métro (voir le plan). Une autre charactéristique du « L » est qu’il est désespérément lent et terriblement bruyant. Tout comme le train de banlieue appelé « Metra ». J’ai remarqué que beaucoup de gens ont leurs fenêtres pratiquement collées sur les voies. Je ne sais pas comment ils font pour supporter le bruit. Par contre, à certains endroits du centre-ville, les voies sont souterraines et le « L » devient « subway ». Il y a d’ailleurs un changement qui vous oblige à descendre d’abord des escaliers pour rejoindre la rue, puis à marcher quelques mètres jusqu’à une bouche de métro. Et malgré cette sortie en pleine rue, votre correspondance reste valide!

Quelques heures ont passé depuis le précédent paragraphe et me voici dans le bus du retour (plein), où vient d’éclater devant moi une rixe entre deux passagers, l’un, un peu éméché, sommant l’autre de descendre du bus pour régler ça dehors, le traitant de « bitch » et de « pussy » s’il ne s’exécutait pas. Après qu'il soit finalement descendu lui-même, la chauffeure (est-ce la même qu’à l’aller ? je ne sais pas) lui a refermé la porte au nez, ce qui a déclenché une vague d’approbation dans le bus. Ça aurait été le moment d’entendre la voix grave et omniprésente de « Monsieur CTA » nous rabâcher un message moralisateur : « Par courtoisie envers les autres passagers, ne posez pas vos effets personnels sur le siège à côté de vous, afin que d’autres passagers puissent s’asseoir ». Ou encore : « Il est interdit de manger, de pratiquer les jeux de hasard (!), de faire jouer de la musique, etc. etc. à bord des véhicules de la CTA ». D'ailleurs je me demande bien où ma chauffeure de tout-à-l’heure l'a dégusté, son plat à emporter. Sans blagues, je l’aime bien ce bonhomme-là : c’est le seul que je comprends 5/5 tellement il articule bien! D’après un internaute ce serait parce qu’il viendrait du Wisconsin -- État voisin réputé pour ses fromages et où les Chicagoens aisés ont leur cottage.

Ces incessants messages enregistrés sont loin d’être la seule surprise qui attend l’usager novice de la CTA. Par exemple, j’ai mis plusieurs jours à me procurer ma « carte mensuelle », simplement parce qu’elle n’est pas disponible dans les stations de métro (où vous ne pouvez transiger qu’avec des automates, une agente de sécurité étant là pour vous aider au besoin) mais seulement dans certains magasins de certaines chaînes de supermarchés comme les pharmacies Walgreens. Et quand j’ai demandé « la carte du mois de septembre », on m’a répondu que ça n’existait pas, mais que je pouvais acheter une carte valable 30 jours. C'est pratique mais ça s’avère finalement très peu avantageux financièrement. Une autre bizarrerie concerne le nom des stations. Elles sont nommées comme la rue transversale, comme c’est le cas aussi à Montréal. Le problème est que, comme certaines lignes sont parallèles entre elles (comme la Rouge et la Marron), certains noms se retrouvent deux, voire trois fois comme dans le cas des stations « Addison ». Il faut alors ajouter la couleur de la ligne au nom de la station pour éviter toute ambiguïté. J’habite donc à proximité de la station « Addison-Red ». Mais je vous laisse (si je ne vous ai pas déjà perdus!). Je ne me suis pas aperçu que j’étais le dernier passager dans le bus. Terminus, tout le monde descend!

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