jeudi 25 août 2011

Chicago Ma Non Solo

Un an. Il y a tout juste un an je me posais à O’Hare, le principal aéroport de Chicago (il y en a un deuxième, Midway, dans le Southside). Me voici aujourd’hui à Québec, dans un bar qui est devenu mon Q.G. car une fois encore, je me suis fait piéger et je ronge mon frein en attendant ma connexion Internet à la maison. On dirait que sans accès au réseau, je me sens complètement désemparé et impuissant. J’ai l’impression que ma vie adulte s’est construite autour de cette connectivité permanente. Alors je joue encore les « wifi-squatteurs », comme au Caribou Coffee de Boystown, sur Halsted. Il est presque 23h00 ici et c’est mort. Encore une fois, je vais me faire jeter dehors en terminant ce billet sur les chapeaux de roue.

Mais je ne suis pas là pour vous parler de ma nouvelle ville (de ma nouvelle vie). J’écris ces lignes pour boucler la boucle, comme plusieurs me l’ont demandé. J’aurais pu le faire avant; je n’ai pas fait exprès d’attendre cet anniversaire. Mais bien sûr, vous savez ce que c’est: un double déménagement, des voyages (jusqu’aux confins de l’Europe), des retrouvailles, tout ça m’a emporté ailleurs déjà, bien que je me sois promis de continuer à alimenter ce blogue, car j’aurais tant eu à dire encore, tant de photos non publiées, comme ces photos du « L » que j’avais promises à... L. Je compte bien continuer à alimenter la rubrique « En images », mais le ferai-je vraiment ? Peut-être quand je retournerai à Chicago, car j’y retournerai, c’est prévu, et même pas plus tard que dans quelques semaines. Mais ce ne sera plus pareil. Je n’y résiderai plus.

Alors que s’est-il passé entre mon dernier « post » et mon départ ? Une bonne partie de mon énergie a été absorbée par l’urgence de trouver un repreneur pour mon appartement, car j’étais encore lié par le bail pendant deux mois. Je stressais d’autant plus qu’une fuite dans une corniche à l’extérieur de l’immeuble causait des dégâts importants par temps de pluie, et qu’il a fallu harceler la compagnie immobilière pour qu’elle fasse faire les travaux. Puis ce fut le tourbillon des visites, les annonces (Craigslist est vraiment LA meilleure façon de vendre ou de louer quelque chose à Chicago), etc. J’ai finalement trouvé « mon » locataire, R., un grand gaillard d’une trentaine d’années avec une maîtrise en philosophie qui m’a demandé à brûle-pourpoint, pendant la visite, si j’étais cartésien ou rousseauiste. Et moi de répondre que j’étais davantage... latourien ! Ensuite, quand tout a été signé, on a pris une bière sur la terrasse du pub irlandais situé au coin de ma rue (le O'Mahony's), pour « discuter de choses académiques », à la demande du fantasque jeune homme.

J’ai aussi profité du temps qu’il me restait pour faire un peu de tourisme, ces choses qu’on n’arrête pas de reporter car on se dit toujours qu’on aura le temps. C’est ainsi que j’ai tenu une promesse que je m’étais faite : me baigner dans les eaux du lac Michigan. C’est arrivé le jour du défilé de la Gay Pride, une des plus marquantes auxquelles j’aie assisté depuis bien longtemps. Imaginez un peu : 750 000 personnes massées sur le parcours, qui passait à un coin de rue de chez moi. C’est d’ailleurs en entendant les cris de la foule que je me suis décidé à sortir de ma tannière pour me joindre à la fête. Après quelques heures à griller sous un soleil de plomb, Stan (un ami gay de Sergio que j’ai fréquenté de loin en loin – c’est lui qui m’a fait connaître le Berlin) m’a proposé de le rejoindre, lui et ses amis, à North Beach, une immense plage qui s’étire entre Lincoln Park et le centre-ville, jusqu’au pied de Big John (la tour John Hancock, ma tour fétiche puisque j’y ai eu mes entrées pendant un an). Je vous passe l’épopée pour me rendre de chez moi à la plage en bus, alors que les axes Nord-Sud étaient fermés pour cause de parade gaie. Mais le jeu en valait la chandelle. L’eau était fraîche, certes, mais pas plus que sur les plages du Nouveau-Brunswick. Ensuite, après avoir réussi à expédier mes affaires à Montréal, il m’est resté une journée pour saluer S., mon superviseur, et visiter deux campus que je m’étais promis de voir avant mon départ : celui de l’Illinois Institute of Technology, une merveille d’architecture moderne où Mies van der Rowe a notamment commis quelques chefs-d’œuvre, et, bien sûr, celui de l’Université de Chicago. J’ai beaucoup hésité à y aller car comme je crois l’avoir déjà dit, c’est au bout du monde, dans le Southside, et le soir, j’avais rendez-vous avec quelques doctorants de mon département pour leur faire mes adieux. Mais il fallait que j’y aille, pour ne pas laisser ce lieu se mythifier dans mon esprit. Je me suis toutefois promis d’y retourner un jour, si l’occasion m’en est donnée. Il faut dire que la journée s’est terminée alors que je suis tombé par hasard sur la Robie’s House, un autre chef-d’œuvre d’architecture de Frank Lloyd Wright cette fois. J’ai donc repris une dernière fois le « L » pour aller rejoindre mes amis doctorants au Jack’s on Halsted, un resto-bar servant de succulents hamburgers et qui, contrairement à ce que son emplacement pourrait laisser croire (en face du Spin), n’est pas un bar gay. C’était l’un des premiers endroits où j’avais atterri, comme ce soir, pour naviguer sur le Net avant de rentrer dormir chez moi. Je l’avais fait connaître à Anabelle, elle avait bien aimé.

En parlant du Spin, ça me rappelle notre soirée d’adieux avec Len et ses amis S. & S., couple aussi sympathique que dépareillé (l’un est franco-iranien et mesure deux mètres, l’autre est roumain et il fait facilement deux têtes de moins). On avait refait la tournée des bars de Boystown. J’avais insisté, puisque c’était vendredi, pour retourner voir le « shower contest » du Spin. Un désastre ! On a fini au Nookies’ Tree, un autre lieu du quartier que j’ai beaucoup hanté à mes débuts à Chicago pour sa cuisine équilibrée ouverte 24h/24.

Finalement, Jorge est rentré de Bogota et on est sorti tous les trois avec Andrea. On est allé au fameux petit pub du coin (pas gay lui non plus), je me suis fait draguer ouvertement par un serveur Mexicain, et l’émotion était palpable. Le lendemain, jour du départ, je les ai appelés à la dernière minute à la rescousse car je n’arrivais pas à boucler mes valises. Finalement, Andrea est allée chercher un taxi au coin de la rue et c’est un ange qu’elle m’a trouvé. J’avais une heure pour arriver au comptoir d’enregistrement et Wrigleyville était complètement bloqué par la fin d’un match de baseball. Il a littéralement fait un miracle en se faufilant à travers les petites rues du Uptown. Et quand enfin je suis arrivé dans l’avion, des orages ont éclaté, nous clouant au sol pendant une heure et demie. C’est donc dans un ciel gris plomb zébré d’éclairs que j’ai quitté Chicago. Cette fois j’avais pourtant pensé à m’asseoir près d’un hublot et à sortir mon appareil photo, je voulais pouvoir capturer ce skyline vu d’avion au moment où il s’apprête à survoler le lac.

Cela fait trente minutes que le barman aurait dû me chasser. Mais il ne s'inquiète pas de moi: il fume un joint avec un pote, relax. Il est pourtant temps de conclure. Conclure en revenant sur une idée qui s’est imposée à mon esprit dans le taxi qui m’emmenait à O’Hare pour la dernière fois avant un temps indéterminé. Après les embrassades avec mes amis colombiens visiblement émus : le titre de ce blogue n’est plus approprié. Car si je suis arrivé seul à Chicago, je l’ai quitté bien entouré, en y laissant des amis chers. Merci à eux, merci à vous, de m’avoir accueilli et accompagné durant cette année en sol américain.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire